Chronique HandiSup CO sur Radio Pulsar #5

Un jeudi sur deux, HandiSup Centre-Ouest, dans le cadre de son partenariat avec Radio Pulsar présente une chronique dans Le Morning Mood pour parler de handicap. Retrouvez sur notre site web les versions texte de ces chroniques.


Chronique du 18 janvier 2018 : Humour et handicap

Le sujet de l’humour revient souvent dans les débats, et les avis sont généralement tranchés d’un côté ou de l’autre.

Ces derniers temps, on a pu voir qu’il y avait des blagues, des plaisanteries qui ne passaient pas. C’est notamment le cas si elles sont sexistes, racistes, homophobes ou opressives de quelque manière que ce soit. Lorsqu’on dénonce le fait qu’une blague soit opressive, cela peut provoquer plusieurs réactions ; « oh mais ça va, ce n’est qu’une blague » ou encore « mais on ne peut plus rien dire! »

Qu’en est-il du rapport entre humour et handicap ?

Une « démocratisation » de l’humour sur le handicap

Au cours des dernières années, on a vu de plus en plus d’œuvres culturelles aborder le handicap, dont beaucoup sous le prisme de l’humour. Si le rapport du CSA de décembre 2017 nous montre encore une fois que le handicap reste sous représenté dans les médias (à hauteur de 0.6% du temps total) il n’en demeure pas moins que des humoristes, des sketchs ont fait leur apparition et on permis d’aborder le sujet du handicap sur le ton de l’humour.

L’humour est un moyen de « changer le regard sur le handicap ». Parce que mêler humour et handicap, cela permet de montrer aux personnes qui ne sont pas concernées qu’on peut vivre avec, qu’on peut le dédramatiser, le tourner en dérision. On peut passer par l’humour pour sensibiliser le public au handicap. C’est ce que fait HandiSup lors de la Soirée Handinamique que l’association organise chaque année, une action de sensibilisation au cours de laquelle certains membres de l’asso se produisent sur scène dans des scénettes et des sketchs, qui reprennent des clichés ou des situations quotidiennes de personnes en situation de handicap.

Pour les personnes concernées, passer par l’humour peut être une façon de s’approprier son handicap, de le dédramatiser et de se rendre compte que, entre guillemets, ça n’est pas si grave.

Pourtant, humour et handicap ne font pas toujours bon ménage.

La frontière entre humour et opression

Comme tout humour qui a pour sujet une minorité de la population, la frontière entre humour et opression est fine. Ça ne veut pas dire que les personnes en situation de handicap n’ont pas d’humour, en fait, c’est comme pour l’ensemble de la population.

Là où l’humour peut poser problème, c’est lorsque les blagues renforcent des clichés négatifs sur le handicap. C’est beaucoup le cas avec le handicap mental ou psychique, j’ai le souvenir de blagues quand j’étais gosse où il était question d’handicapé·e·s, de fous/folles, que l’on tournait en ridicule, qui apparaissaient stupides, dénué·e·s d’intelligence.

Dans le cas de contenus culturels, il y a à la fois la personne qui le produit et la personne qui le reçoit. Lorsque les contenus sont créés par des personnes concernées, elles ont plus de légitimités à parler du handicap, de le tourner en dérision ou d’en rire si elles le souhaitent. C’est leur ressenti, leur vécu et leur sensibilité, leur acceptation de leur situation.

Toutefois, il arrive que le public, et notament des personnes concernées par le handicap, ne reçoivent pas bien cet humour ou même un propos dans son ensemble. Encore une fois, c’est une question de sensibilité, d’acceptation ou non de son handicap, cela peut être blessant pour certaines personnes. On accepte pas tous et toutes de la même façon et il faut entendre et comprendre que l’humour sur ce genre de sujet ne sera pas reçu de la même façon d’une personne à l’autre, que l’on peut blesser, offenser ou heurter les persones concernées.

Même au quotidien

Cela ne s’arrête pas seulement aux contenus culturels ou à la représentation médiatique,
dans la vie de tous les jours, il arrive parfois que des personnes valides veuillent plaisanter sur le handicap et, si ce n’est pas sollicité de la part de la personne handicapée, ça passe rarement, voire jamais.

À titre d’exemple, Morgane raconte qu’en tant que personne aveugle, il lui arrive de faire de l’humour sur sa cécité ou les situations qu’elle rencontre au quotidien à cause de son handicap. C’est même une sorte de running gag avec ses proches, elle fait ce qu’elle appelle de « l’humour occulaire. » Sauf qu’il lui est arrivé de rencontrer des personnes, ni ami, ni famille, qui plaisantent sur son handicap et là, l’expérience est beaucoup moins agréable.

Une remarque se voulant drôle, une plaisanterie, lorsqu’elle provient d’une personne peu connue voire étrangère, peut être génante, voire blessante. En tant que personne non concernées, et ne connaissant pas bien notre interlocuteur ou interlocutrice, on ne sait pas quel effet aura cette blague. Si la personne n’accepte pas son handicap, si ça la renvoie à des moquerie qu’elle a connu dans son enfance (car le handicap est un motif de harcèlement scolaire assez répandu), ça peut être vraiment violent.

Par exemple, Morgane a parfois des remarques du genre « oh, ben heureusement que vous ne voyez pas, ça vous évite de voir ma sale tête d’aujourd’hui ! », vous imaginez que ça n’est pas très agréable…


Que cela soit dans le cadre de productions culturelles, de la représentation ou dans nos interactions quotidiennes, quand il est question d’humour, il faut prendre en compte la parole des personnes concernées. Lorsque l’on fait une plaisanterie et qu’on nous fait remarquer que non, ça ne passe pas, que c’est opressif, il faut pouvoir l’entendre et l’accepter. Si on rencontre une personne en situation de handicap, si elle ne nous autorise pas à en rire, si on ne connait pas son rapport avec son handicap, il vaut mieux s’abstenir que de provoquer un malaise.

Parce que chaque personne a son ressenti et sa sensibilité, et que c’est important d’en tenir compte.